Jean-Baptiste Cerlogne

Jean-Baptiste Cerlogne, né le 6 mars 1826 à Saint-Nicolas et mort le 7 octobre 1910 dans le même village, est un prêtre et linguiste valdôtain. Il est connu notamment pour ses études sur la grammaire du patois francoprovençal valdôtain, pour la rédaction d’un vocabulaire, ainsi que pour ses poèmes faisant de lui le majeur poète patoisant valdôtain.

Biographie

Jean-Baptiste Cerlogne est né le 26 mars 1826 dans le village du même nom dans la commune de Saint-Nicolas. Son père, Jean-Michel, vétéran de Napoléon, y travaillait comme maître d’école.

En septembre 1837 il émigra à Marseille pour travailler comme ramoneur, comme la majorité des Valdôtains étaient obligés de faire à l’époque.

En 1841 il rentra en Vallée d’Aoste pour repartir peu après travailler à nouveau à Marseille à l’Hôtel des Princes.

Il rentra à Saint-Nicolas en 1845 où il fréquenta l’école de son hameau. Le 4 janvier 1847 il partit d’Aoste comme soldat du roi Charles-Albert.

Il participa aux batailles de Goito et de Sainte-Lucie. Il participa également en 1848 à la première guerre d’indépendance italienne, où les Autrichiens le firent prisonnier jusqu’au 7 septembre 1848.

Après avoir participé à la bataille de Novare le 23 mars 1849, il rentra à Saint-Nicolas.

Il fut admis au Grand séminaire d’Aoste en tant que cuisinier en septembre 1851. C’est à cette période qu’il écrivit ses premiers poèmes en français.

Craignant de perdre son poste après le décès du Supérieur du séminaire, il demanda son transfert au pensionnat en août 1854 .

Il rentra à Saint-Nicolas l’année suivante après la mort de sa mère. En août 1855 il fut invité à nouveau à la cuisine du séminaire.

En 1855 le chanoine Édouard Bérard l’invita à composer un poème en patois valdôtain sur le Fils Prodigue. L’Infan prodeuggo fut ainsi créé, le premier poème en patois de la littérature valdôtaine, qui fut lu en présence de monseigneur André Jourdain et du comte Crotti.

La même année, avant Noël, il composa La maènda à Tsésalet (Le déjeuner à Chesallet) et monseigneur Jourdain, évêque d’Aoste contribua personnellement aux frais pour ses études.

À partir du 16 août 1856 Cerlogne quitta son poste au séminaire pour consacrer son temps à ses études avec le curé de Saint-Nicolas, le père Guichardaz.

Il fit revint au Grand séminaire d’Aoste le 15 octobre 1859 en tant que séminariste. Il composa en 1861 sa chanson en patois la plus connue, La Pastorala, publiée en 1884. Cette Pastorala reste aujourd’hui le chant par excellence pour la messe de Noël en Vallée d’Aoste.

Il composa également une version en français, la Pastorale, en 1862.

Après quelques années de doyenné, il devint curé de campagne. C’est à Saint-Nicolas, le 22 décembre 1864 qu’il célébra sa première messe.

Le 1er février il fut nommé doyen de Valgrisenche, où il traduisit en patois la Bulle de l’Immaculée Conception, inséré par le chanoine Bérard dans un recueil de 250 traductions.

Vers la fin de septembre 1866 il fut transféré à Pontboset, où il obtint une médaille du mérite civil pour son aide à la population lors de l’épidémie de choléra de 1867.

Il composa l’année suivante l’hymne Les petits chinois sur l’air Aveine, aveine… (Averne, averne).

Le 19 novembre 1870 il fut nommé curé à Champdepraz où il se dédia à la viticulture.

En  il fut invité par le recteur de Saint-Jacques d’Ayas, où il travailla pendant 4 ans au dictionnaire et à la grammaire du patois francoprovençal valdôtain.

En septembre 1883 il rentra à Champdepraz où il composa en 1886 Lo Tsemin de Fer (Le chemin de fer).

L’année suivante Le s-ou et le dove comére (Les œufs et les deux commères) et À do dzovenno epaou (À deux jeunes époux), et en 1888 la Pastorala di Rèi (La pastorale des Rois mages).

En 1889 il fut transféré à Trino (hameau de Gressoney-Saint-Jean) en tant que recteur puis, en 1891 à Barbania, où il publia deux numéros du Armanaque di Velladzo, (L’almanaque du village) dont l’édition de 1893 contient la Tsanson de Carnaval (La chanson de carnaval).

Corale Les Votorneins di ValtournencheTsanson de Carnaval 

Tsanson de Carnaval
Chante qui peut
Et viva qui sat fère !
Et viva qui l’est plen !
Qui l’est a la misère,
Vouë se gratteye bien.
Poure dzen di campagne
No careimen tot l’an
Et trifolle, et tsatagne
Fan noutro camentran.
Lé din cella botecca,
Vei-teu? lo bò salan…
Aneufla-lè vei tsecca
Se flerrion de l’aran?
Pe contenté la botse,
Quatsun fan flerrié bon
Qui l’at ren in secotse
Se vouin pà le barbon.
In qeuseuna mè dz’entro.
Me dion le routi :
“Dze si pà pe ton ventro
Petsou galeup que t’i”.
Qui le pià dèèsot tabla
Beit de vin bien adret ;
Qui beit d’éve potabla 
Se flap l’est son borset.
Le s-un fan ribanbelle,
Saouton, fan de fracas:
Et lo pouro trambelle
A force d’ëtre las.
No sen egal et frére !
Se lodze ci que n’at.
Se te n’a pas, compére,
Varda ton ventro plat.

Chanson de carnaval
Chante qui peut/
Et vive qui sait faire !
Et vive qui est plein !
Pour qui est dans la misère
Que les choses s’arrangent.
Pauvres gens de campagne
Nous faisons carême toute l’année Et patates et châtaignes
Font notre carnaval.
Là, dans cette boutique
Tu vois? Tant de beaux saucissons…
Sens un peu
S’ils sentent le cuivre ?
Pour contenter la bouche Quelqu’un fait quelque chose qui sent bon
Qui n’a rien dans les poches
Ne se lèche pas les babines.
J’entre dans la cuisine
Le rôti me dit :
“Je ne suis pas pour ton ventre, Petit gourmand que tu es.”
Qui a les pieds sous la table
Boit du bon vin
Qui boit de l’eau potable
A le portefeuille bien plat.
Les uns font ripaille
Ils sautent et font du bruit
Et le pauvre trébuche
Tant il est fatigué.
Nous sommes frères et égaux ! Celui qui a de quoi se rassasie
Si tu n’as rien, compère
Tu garderas le ventre vide. 


Les rapports entre la maison de Savoie et Cerlogne furent toujours très bons. Certains de ses écrits sont dédiés à la dynastie des rois d’Italie, tels que le poème À Sa Majesté la Reine d’Italie lors de son second séjour à Gressoney (à la reine Marguerite), où il célèbre le souvenir des batailles pour le roi Charles-Albert : Que l’Ange du bon Dieu, Vous couvrant de son aile, / Vous conserve Vous, la Famille Royale, / à l’amour des sujets qui mourraient pour leur Roi.

Le 16 juin 1893 il fut transféré à Front, où il publia Le maçon de Saint-Gra (Les maçons de Saint Grat). Le 30 octobre 1894 il fut transféré à Pessinetto où il composa La vie du petit ramoneur, et en janvier 1896 la Tsanson de Carnaval (La chanson de carnaval), avec le même titre que celle de 1893, et comme celle-ci inspirée par l’injustice sociale entre les puissants et les pauvres. Le sujet de l’émigration est présent dans l’avant-dernière strophe.

En juillet 1896 il fut transféré à Cantoira, pendant huit mois, avant de rejoindre Corio, où il composa en 1898 Cinquantiémo anniverséro de 48 (Cinquantième anniversaire du ’48). Le 12 mars 1899 il rentra à Champdepraz.

Il fut transféré le 26 août 1899 à Canale, qu’il quitta le 12 mai 1901 pour la charge de recteur à Vieyes, hameau d’Aymavilles, où il composa Le  à Courmayeur pour l’inauguration du « jardin botanique abbé Henry », La freide poésie et d’autres poèmes.

Le 30 novembre 1903 il entra au prieuré Saint-Jacquême à Saint-Pierre, la maison de retraite des curés valdôtains, où il composa Le patois valdôtain, ouvrage publié en 1909 contenant La fenna consolaye Le 6 mars 1908 il quitta le prieuré pour rejoindre la maison du poète et romancier Marius Thomasset à Villeneuve, et ensuite le presbytère de Saint-Nicolas, où il mourut le 7 octobre 1910.

Activité

Jean-Baptiste Cerlogne a été le premier poète valdôtain connu, dans le sens que sa production a été écrite.

Son esprit curieux l’a amené à être un pionnier de la dialectologie, et encore aujourd’hui ses études constituent une référence pour les recherches sur le patois valdôtain et sur le francoprovençal. Son œuvre a été étudiée en particulier par René Willien.

Outre le fait d’être religieux et poète, il a été également cultivateur, viticulteur et distillateur d’eau-de-vie.

Reconnaissances

Près du Bois de la Tour à Saint-Nicolas un buste a été érigé en 1914 dédié à l’abbé Cerlogne avec l’inscription :

«AU · FÉLIBRE VALDÔTAIN · JEAN BAPTISTE · CERLOGNE · QUI CHANTA · LA VALLÉE D’AOSTE · DANS LE DIALECTE · DE SES ANCÊTRES · LE PAYS NATAL · LES AMIS · LES ADMIRATEURS · 1914».

Buste de Cerlogne réalisé en 1914, près du Bois de la Tour à Saint-Nicolas.
Par Patafisik — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, Lien

Le concours Cerlogne

C’est un concours de patois organisé chaque année par le biais de l’administration régionale en collaboration avec le BREL et le CEFP. À partir de la première édition en 1963, chaque année environ 2000 enfants d’écoles maternelles et primaires provenant de toute la Vallée d’Aoste, ainsi que de la Savoie, du Valais, des vallées francoprovençales piémontaises et des deux communes francoprovençales des Pouilles se réunissent dans une commune valdôtaine pendant trois jours vers la fin de mai pour exposer les résultats de recherches et d’apprentissage de leur patois : ils mettent en scène des pièces, ils chantent des chansons, ils récitent des poèmes. Les parents aussi prennent part à cet événement.

Le Musée Jean-Baptiste Cerlogne, situé en localité La Cure à Saint-Nicolas.

Oeuvres

  • Dzan pouro (1892) ;
  • Petite grammaire du dialecte valdôtain (1893) ;
  • Dictionnaire du dialecte valdôtain (1908) ;
  • Le patois valdôtain – son origine littéraire et sa graphie (1909) ;
  • Poésies en dialecte valdôtain.
  • Dictionnaire de patois valdôtain précédé de la petite grammaire, Imprimerie Catholique, Aoste 1907. (OpenLibrary.org [archive])

Poésie

  • L’Infan prodeggo (1855)
  • La marenda a Tsesalet
  • La Pastorala (1861)
  • Les petits chinois (1868) (inno in francese)
  • Lo Tsemin de Fer (Ferrocarrils, 1886)
  • Le s-ou et le dove comére (1887)
  • A do dzovenno epaou (1887)
  • Pastorala di Rei (Pastoral del rei, 1888).
  • Tsanson de Carnaval (1893),
  • Le maçon de Saint-Gra
  • La vie du petit ramoneur (1894)
  • Cinquantiémo anniverséro de 48 (1898)
  • Le  à Courmayeur (1901)
  • Le patois valdôtain (1909)
  • La fenna consolaye (1910)

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Jean-Baptiste Cerlogne de Wikipédia en français (auteurs)

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